Une histoire de Street-Art à Chartres : EZK

Visite découverte du street art à Chartres

Quand je propose des visites autour du street-art à Chartres, il y a des artistes qui ne laissent pas insensibles. EZK fait partie de ceux-là. S’il a créé le buzz sur Instagram en avril dernier avec son graf Xi Jinping et le Coronavirus, Eric Ze King s’en excuserait presque. Comme une vigie à la palette intense, cet « Artiviste » interroge, alerte, questionne mais sans imposer ses idées. Le graff tant contesté (un record de signalement en une journée sur Instagram en France, à tel point que le réseau social l’a contacté) montre la provenance géographique du virus, m’a dit avec humour notre artiste chartrain. Car nous pouvons être fier, ce graffeur dont la réputation a d’ores et déjà passé les frontières est un enfant du pays.

Interview de l'artiste EZK

Echanger avec lui est un plaisir de simplicité. Eric sait poser les mots sur ses images, expliquer sa démarche, raconter son expérience. Puis, nous échangeons sur la petite vierge rue de la Corroierie. En tant que guide, je l’ai surnommée Notre-Dame du Wifi. L’œuvre s’intitule « Au nom du pire ». EZK m’explique dans un rire « Aujourd’hui quand on arrive quelque part, la première question est : est-ce qu’il y a du wifi ? Autrefois, c’était : à quelle heure est la messe ? » C’est ce décalage qu’il suggère. La prière n’est plus la même et avec humour il ajoute « Ce sont toujours des ondes invisibles ».

Le parcours d'un artiste de Street-art

Son parcours de graffeur débute tôt : enfant, il graffait à l’école pour « interpeler » une fille dont il était amoureux. Le dessin, c’est son mode d’expression. Ses interrogations sont aussi des clins d’œil à la pop culture comme ses « Storm troopers » créés à l’origine pour son fils : le papa attentif faisait ainsi des repères pour l’enfant dans Chartres. Malheureusement, plus de stormtrooper dans Chartres. Si vous souhaitez en voir, c’est à Paris qu’il faut aller au niveau de la petite ceinture. Comme il le dit : c’est le jeu. Les œuvres de street art disparaissent : bâtiments détruits ou tout simplement effacement à la demande des pouvoirs publics. Certaines de mes photos ne sont d’ailleurs plus d’actualités sur Chartres.
De ce côté-là, EZK est prudent et respectueux : pas de maisons individuelles (sauf demande de la part du propriétaire), pas de monuments ou sites classés. L’artiste adopte une éthique. Cependant, rien n’est sans risque : la loi interdit le graff et à Chartres comme à Paris ou ailleurs, les graffeurs doivent faire bien attention à ce que la maréchaussée ne leur tombe pas dessus. Eric ajoute « mais c’est pire à New York ». Moi, interloquée : non ! pas New York la cité du street art (avec Berlin). Et bien si : « là-bas, si tu te fais prendre, c’est un ticket de 45 jours de tôle ». Dans d’autres endroits, l’amende est « au nombre d’heures de nettoyage ».

Le "Banksy" chartrain : la technique du pochoir

Au niveau technique, c’est le pochoir son arme de prédilection. Il ajoute que c’est aussi pour cela qu’on le compare à Banksy. Mais « Banksy est plus poétique, c’est pour ça qu’il est le maître. Chez moi, c’est plus violent ». C’est vrai qu’en faisant le tour de ses créations, on voit la force des convictions et la violence du monde dans lequel nous vivons. Ainsi, une de ces dernières créations, Uberté Egalité Fatalité montre toute la misère du monde qui nous entoure. Idem pour War in France où il dénonce la dérision du discours « nous sommes en guerre » face aux vraies guerres dans le monde. EZK n’a pas peur de se « frotter » au monde. La misère, ce n’est pas dans les films qu’il l’a vue. Ainsi, simplement, il évoque la journée passée dans la jungle de Calais où des personnes dormaient à 4 sur des palettes empilées et « avec une météo comme en ce moment, les palettes s’enfoncent, alors ils en rajoutent et parfois il y a 6 palettes les unes au-dessus des autres. » Je reste muette un instant. Quand il l’évoque, l’émotion est palpable, forte… L’humanité de l’artiste est puissante et je comprends mieux son art qu’il qualifie de violent. Je comprends mieux aussi l’origine de sa série « Art against poverty » née à New York devant une émission « No comment ». Des enfants en Afrique grattaient le sol pour se nourrir de fourmis. Image choc de l’extrême pauvreté. Et à la fin « ce programme vous est présenté par Vuitton ». C’est ce contraste entre ces deux extrêmes que montre EZK avec brio et délicatesse. A Chartres, c’est à l’Esperluète qu’il a posé son graf « Dans quel monde Vuitton ? » cet enfant pauvre dans un seau logoté LV. Et au-dessus, parce que chez EZK il y a une humanité intense : l’amour est à ré-inventer. Le choix de l’endroit était judicieux : passant, visible. EZK interpelle et il choisit ses lieux comme un publicitaire le ferait. Ici, il a eu la chance et le soutien de l’Esperluète. Le graf est là depuis un bon bout de temps, comme un emblème de la culture et de l’ouverture sur le monde.
Mes chouchous, vous les trouverez place de l’étape au vin. Round-up World Killer, Koon’s me sign et Siri Apple d’Urgence (prononcez le… vous comprendrez). Pour le premier, il avoue qu’il ne l’a pas terminé car trop de monde passait et qu’il risquait de se faire prendre… et pourtant, j’avoue que cet avion avec son nuage blanc est très clair, même inachevé. Le second amuse toujours : clin d’œil à Jeff Koons. Avec le dernier, il y a juste le petit garçon sans le texte. Pas besoin, l’image est évocatrice dit il. Et il ajoute : « c’est un vrai enfant, pas imaginé ». L’expression du gosse est intense… je ne demande pas l’histoire, mais je la ressens.

EZK : l'humanité chevillée au street art

Nous évoquons aussi « Dépôts de réfugiés strictement interdits » : quand il l’a créée, certains n’avaient pas compris son message.
La conversation aurait pu durer des heures ! Tant à dire et à partager. Il y a une grande générosité chez cet artiste, un amour des gens, une spiritualité et une humanité fortes.
L’artiste crée et expose également sur bois ou autres supports. Il m’indique que certaines de ses œuvres seront mises aux enchères à la fin du mois au bénéfice de l’association Entourage. Une initiative sensible qui lui ressemble.
Alors bravo et merci l’artiste de nous interroger encore et toujours.
Vous souhaitez mieux connaître ses oeuvres et le suivre : let’s go !

Visite autour du street-art

Avec mon partenaire C'Chartres Tourisme, je propose régulièrement des visites autour du street-art.